le photographe


interview botanique du photographe par lui-même


- Stephen Vincke, auriez-vous la gentillesse de vous présenter ?
- Ma foi non.

- Auriez-vous la méchanceté de vous présenter ?
- Je m’appelle Stephen Vincke. Je pratique la photographie. Je suis diplômé haltérophile-zingueur et je porte le panama-quand-ça-va-mal.

- Photographier l’automne, c’est venu comment ?
- Comme chaque année. D’un coup. L’été se termine et hop, nous y voilà. Je subodore que l’automne se pratiquait déjà (comme un sport ou une pâtisserie) avant ma venue au monde. Ne croyez pas pour autant que je prétende que la réalité universelle soit axée sur la mienne.

- Nullement !
- Mais je n’ai d’autre moyen d’évaluer le réel et ses possibles.

- L’automne, c’est réel pour vous ?
- Je ne sais pas si cela se pose en ces termes. L’automne est réel en soi. Sinon, cela voudrait dire que, faute d’observateur, il n y’a pas d’automne. Le monde ne nous a pas attendu pour affirmer que la pluie, ça mouille.

- Photographier l’automne, une sinécure ?
- Oui, dans la mesure ou c’est un choix libre. Dans les pays de goulag, où l’on force les photographes à prendre des clichés que jamais ils n’auraient pris naturellement, alors toute chose peut se transformer en torture. Heureusement, rien de tout cela ici. C’est pleinement consenti et réciproquement profitable.

- En quoi l’automne profite de vos images ?
- D’être vu. Il y a plus de gens qui se plaignent des feuilles mortes que de gens qui observent les feux automnaux avec ravissement.

- Le ravissement se perd ?
- Non : il s’oublie. Dès la fin de la petite enfance - c'est à dire de plus en plus tôt. Tout comme l’enchantement.

- Photographier une feuille morte… sacrée gageure…
- Oui. L’animal est discret. Imprévisible. Il faut s’armer d’une solide dose de patience. Savoir tirer à bout portant, sans hésiter, en laissant le poids de l’émotion appuyer sur le déclencheur.

- Comment vous imaginer sur la route ?
- Avec un sac photo, des chaussures étanches, une carnassière de saucisson et de pain dur.

- Et s’il pleut ?
- Je ferme les yeux et avance à tâtons. C’est la meilleure solution pour dénicher la perle rare.

- Et à propos de l’errance ?
- C’est une boîte vide qui attire. On cherche à s’en défaire et pourtant on y retourne. Comme les insectes de nuit attirés par la flammèche des lampes à pétrole. L’errance est une des multiples formes du vide. Un cousin ou une tante. Mais c’est un vide naturel et animé. Ce n’est pas à vrai dire lui qui aspire, mais l’errant, qui s’aspire en lui-même. Au bout de quelques heures, l’homme est arbre, et plante là ses réflexions.

- En vérité nous n’en saurons guère beaucoup plus...
- Je fais des photos : je ne suis pas vedette de music-hall !

- Vous reverra-t-on sur les routes ?
- Oui. A plus forte raison si l’on plante des télés en bordures des sentiers, pour s’assurer une migration du public.

- L’automne vous ressemble ?
- Si l’automne fait un mètre quatre-vingt quatre, s’il est barbu tirant légèrement sur le roux, s’il erre de temps à autre en brandissant un bout de plastique noir (un prêtre atomiste) et s’il a à ses côtés la plus belle nana de tout le système solaire, alors oui, sans doute.

- Dont acte.



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